Le Printemps des poètes c'est maintenant :
L’heure est venue pour vous de parler
Vous tous amants de la liberté
Vous tous amants en quête du bonheur
Vous tous amoureux et dormeurs
Enfoncés dans vos rêves intimes
L’heure est venue de vous prononcer
Ô majorité silencieuse
Avant qu’ils viennent vous chercher !
Lawrence Ferlinghetti,
extrait de PRENEZ LA PAROLE
Sans la nommer
Je voudrais sans la nommer vous parler d’elle
Comme d’une bien aimée, d’une infidèle
Une fille bien vivante qui se réveille
A des lendemains qui chantent sous le soleil
C’est elle que l’on matraque
Que l’on poursuit, que l’on traque
C’est elle qui se soulève,
qui souffre et se met en grève
C’est elle qui l’on emprisonne,
qu’on trahit, qu’on abandonne
Qui nous donne envie de vivre,
qui donne envie de la suivre,
jusqu’au bout, jusqu'au bout.
Je voudrais sans la nommer lui rendre hommage
Jolie fleur du mois de mai ou fruit sauvage
Une plante bien plantée sur ses deux jambes
Et qui traine en liberté où bon lui semble.
C’est elle…
Je voudrais sans la nommer vous parler d’elle,
Bien aimée ou mal aimée elle est fidèle
Et si vous voulez que je te vous la présente
On l’appelle Révolution Permanente
C’est elle…
Georges Moustaki
Votre pensée,
qui rêvasse sur votre cervelle ramollie,
tel un laquais obèse sur sa banquette graisseuse,
je m’en vais l’agacer
d’une loque de mon coeur sanguinolent
et me repaître à vous persifler, insolent et caustique.
Mon âme n’a pas pris un seul cheveu blanc,
et il n’y a en elle aucune tendresse sénile!
Enfracassant le monde par le bourdon de ma voix,
je m’avance, beau gosse, mes vingt-deux ans en prime.
Tendres!
Vous couchez l’amour sur les violons.
Les brutaux le flanquent sur des cymbales.
Mais sauriez-vous comme moi
vous retourner comme un gant
pour que vous ne soyez plus que des lèvres intégrales?
Venez prendre des leçons
- salonnière de satin,
fonctionnaire formatée de la ligue angélique,
et celle qui feuillette des lèvres sans émoi aucun,
comme si c’étaient les pages d’un livre de cuisine!
Voulez-vous
que je sois un enragé de la viande,
ou bien, changeant de ton comme les couleurs du ciel -
voulez-vous
que je sois impeccablement tendre,
un nuage en pantalon au lieu d’un homme charnel?
Ce n’est pas vrai qu’il y ait une Nice florale!
Voilà que je me remets à chanter vos louanges
- vous, hommes, défraîchis comme un hôpital,
et vous, femmes, rebattues comme un proverbe.
***
Vladimir Maïakovski (1893-1930) –
Extrait du poème « Le nuage en pantalon » (1915)
Traduction de Wladimir Berelowitch